Au Docteur en Sagesse de Canapé

Ah, Tata Karamo Kaba…

Toi, dès qu’une controverse éclate, tu sors ton costume trois-pièces de consultant en silence stratégique. Tu arrives toujours après la pluie, les lunettes embuées, pour expliquer au tonnerre qu’il a eu tort de faire du bruit.

Te voilà, encore une fois, avec ta plume trempée dans la morale de comptoir : “Il ne fallait pas répondre à Sékouba Konaté.” Vraiment ? Peut-être que dans ton petit manuel de communication céleste, il est écrit que le mensonge doit circuler librement, pendant que la vérité, bien élevée, attend son tour au vestiaire. Tu parles de “réaction hâtive”. Mais dis-moi, depuis quand la dignité a-t-elle besoin d’attendre le feu vert des consultants avant de se défendre ? Quand un homme, faussement accusé, rétablit la vérité avec calme, documents et précision, cela s’appelle du courage — pas une faute de communication.

Mais je comprends, Tata. Dans ton univers parallèle, toute parole devient “justification” et tout silence devient “maturité”. Un monde merveilleux où les poissons muets sont des philosophes et les perroquets des stratèges.

Tu dis que l’entourage de Cellou Dalein manque d’expérience. C’est vrai : ils ne sont pas encore experts en hypocrisie tranquille ni diplômés en “communication sans conviction”. Ils ne savent pas encore comment sourire pendant qu’on salit leur nom — cette fameuse sagesse molle que tu veux leur enseigner. Toi, tu veux que Dalein se taise. Peut-être pour écrire ensuite ton prochain chef-d’œuvre : “L’ombre majestueuse du silence offensé”. Avec toi, c’est simple : si Dalein parle, il a tort. S’il se tait, tu feras une tribune sur son mutisme. Tu es ton propre cycle d’opinion : tu commentes les commentaires que tu aurais voulu provoquer.

Tu parles de “lucidité politique”. Mais il faut d’abord avoir les yeux ouverts pour prétendre à la lucidité. Tu veux donner des leçons à un homme qui a résisté à des dictatures, des fraudes électorales et l’exil forcé — pendant que toi, tu résistais à la tentation du silence… sur Facebook.

Et puis, cette posture de “je ne prends pas parti, mais je conseille”, c’est l’art suprême du contorsionniste. Tu veux être perçu comme neutre, mais tu ne peux pas t’empêcher de glisser ton petit sermon au passage. Tu veux paraître sage, mais tu sens le besoin de le rappeler à chaque phrase. C’est un peu comme ces gens qui écrivent “je ne suis pas raciste, mais…” — on sait déjà que le “mais” va faire mal.

Tu dis que “le silence est une posture efficace”. Non, le silence est une posture confortable. Efficace pour ceux qui ne veulent pas se mouiller, mais veulent tout de même paraître profonds. C’est ton domaine, en effet. Le silence comme décor, la morale comme accessoire, et les likes comme applaudissements. Mais vois-tu, le silence n’est pas toujours grandeur. Parfois, il est simplement lâcheté bien habillée. Et dans ton cas, il ressemble davantage à une absence qui se maquille en sagesse.

Tu termines ton texte en parlant de “communication moins lucide”. Mais entre nous, Tata, ce n’est pas de lucidité qu’il te manque — c’est de cohérence. Car la vraie lucidité consiste à reconnaître la valeur d’une parole claire quand tout le monde s’enferme dans les murmures. Et cette parole, Dalein l’a eue. Sans colère, sans excès, sans artifice. Une mise au point propre, nette, digne. Tout ce que ta pseudo-neutralité n’a jamais su produire.

Alors, cher docteur en sagesse improvisée, continue de disserter sur la pluie et le beau temps politique. Continue d’expliquer la pudeur aux lions, la stratégie aux légendes, la retenue aux martyrs. C’est facile, depuis ton balcon. Mais permets-moi de te le dire franchement : ta philosophie du silence est belle dans les livres — elle l’est beaucoup moins quand elle devient le refuge de ceux qui n’ont pas le courage de parler vrai.

Le peuple n’a pas besoin de professeurs d’apparence. Il a besoin de témoins de vérité. Et la vérité, mon cher Tata, n’a jamais attendu l’avis d’un consultant pour s’exprimer.

Alpha Issagha Diallo

Docteur en lucidité appliquée, option ironie chirurgicale et allergie sévère aux philosophes d’après-match

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