En révélant qu’il échange régulièrement avec l’ancien président Alpha Condé, Cellou Dalein Diallo a surpris la Guinée. Mais derrière cette main tendue à son ancien bourreau, se cache une vision politique profonde : celle d’un homme qui croit que la réconciliation nationale ne naîtra ni de la vengeance ni du silence, mais du dialogue entre ceux qui ont blessé et ceux qui ont pardonné.
La scène politique guinéenne adore les postures tranchées. On y applaudit les colères, on y méprise la nuance. Dans ce théâtre d’orgueil, la modération passe souvent pour faiblesse. C’est dire à quel point la révélation récente de Cellou Dalein Diallo, affirmant qu’il échange régulièrement avec l’ancien président Alpha Condé, a dérangé.
Certains y voient une trahison, d’autres une réconciliation impossible. Mais les esprits libres y verront une chose bien plus rare : un acte de leadership moral. Il faut du courage pour tendre la main à celui dont le régime a réprimé, emprisonné et parfois tué les tiens. Mais il faut aussi de la lucidité pour comprendre que le destin d’un pays dépasse la somme de ses blessures. Cellou Dalein ne combat pas des hommes, il combat des dérives, des injustices, des principes violés.
Depuis vingt ans, il incarne une opposition qui refuse de céder à la haine, même lorsque la haine serait légitime. Ce n’est pas la première fois qu’il le prouve. Il a parlé à Moussa Dadis Camara après le massacre du 28 septembre 2009. Il a dialogué avec Sékouba Konaté malgré la confiscation des résultats électoraux de 2010. Il a cru, un temps, au discours du colonel Doumbouya avant de déchanter face au monologue du pouvoir.
À chaque étape, il a choisi la discussion plutôt que la rupture. Parce qu’il sait qu’en Guinée, l’absence de dialogue tue plus sûrement que les armes. Dialoguer avec Alpha Condé ne signifie pas absoudre. Cela signifie comprendre. Comprendre qu’un ancien chef d’État, fût-il déchu, reste une part de notre histoire collective. Et s’il reconnaît aujourd’hui, ne serait-ce qu’à demi-mot, les excès de son pouvoir, faut-il l’ignorer ou l’écouter ? Cellou Dalein a choisi d’écouter, sans renoncer à la vérité.
Ce choix, qui scandalise certains, révèle pourtant une constance politique. L’homme ne cherche pas la revanche, il cherche l’unité. En juillet dernier, il rappelait que le président Doumbouya avait reçu tous les leaders politiques sauf lui. Pourtant, même marginalisé, il continue d’appeler au dialogue. C’est qu’il ne confond pas opposition et obstruction, ni justice et vengeance.
Cellou Dalein Diallo n’a ni le marteau du juge ni la plume du procureur. Son arme, c’est la parole. Et dans une Guinée fracturée, où les rancunes se transmettent de génération en génération, cette arme vaut de l’or. Parce que sans dialogue, il n’y a pas de pardon. Et sans pardon, il n’y aura jamais de nation.
Dans un pays habitué à glorifier la confrontation, Cellou Dalein incarne une autre voie : celle des bâtisseurs, des hommes de paix, de ceux qui osent tendre la main sans baisser la tête. La politique, dit-on, est l’art du possible. En Guinée, elle devrait d’abord redevenir l’art du dialogue. Et sur ce terrain-là, Cellou Dalein Diallo reste, quoi qu’on en pense, le dernier grand modéré.
A bon entendeur salut ! D’ici-là, merci de contribuer au débat.
Elhadj Aziz Bah